Un petit moment de lecture .. comme toujours. [Logan]

Le réveil avait été assez pénible pour Logan ce matin-là. Enfin, si on peut vraiment appeler ça un matin, parce que le pauvre jeune homme avait dû rester au lit jusqu'à presque 13 heures pour tenter de rattraper tout le sommeil qu'il avait perdu durant la nuit. Et non, ce n'était pour une fois pas du tout de sa faute s'il n'avait presque pas dormi de la nuit. S'il restait souvent éveillé jusqu'à des heures pas possibles simplement pour profiter de ce qu'on pourrait appeler un "calme émotionnel", ça ne voulait pas dire qu'il avait la "paix émotionnelle" non plus. Les rêves aussi, il les ressentait, et ça, c'était une des pires parties de sa capacité. Imaginez ça : dormir dans la même chambres que deux garçons, dont un qu'il déteste. Deux garçons attirant particulièrement les filles, d'ailleurs. Du moment que le système du pauvre Logan défaillait un petit peu et qu'il se connectait à une fille, ses pensées tournaient carrément à l'indécence. Heureusement, rien n'avait été extrême encore, c'était contrôlé de l'autre côté et il n'avait pas encore sauté sur l'un ou l'autre des garçons. Surtout sur Alex. Ça, ça aurait été absolument horrifique puisque, d'un côté comme de l'autre, il y avait des flammèches. Mais bon, c'était pas Logan qui les créait, les tisons, c'était l'autre qui les lui transmettait.

Où est-ce que j'étais, déjà ? Ah, la raison pour laquelle il n'avait pas dormi ou presque. Très simple en fait. Vous avez déjà fait un cauchemar vraiment horrible sans vous réveiller avant la fin ? Vivre ça, venant de quelqu'un d'autre, alors qu'on est complètement éveillé, ça fait vraiment peur. Dans le genre "je suis parano", il y a pas vraiment pire. En petite boule dans son lit, les larmes aux yeux et la lèvre tremblante qu'il tentait de retenir avec ses dents, Logan avait tenté pendant des heures de se convaincre que tout allait bien, qu'il n'y avait pas de danger. Mais rien à faire, malheureusement. Dans sa tête, il le savait, qu'il n'y avait pas vraiment de danger. Mais tout le reste de son corps réagissait aux émotions de l'un des deux garçons, lui bloquant la respiration, le faisant pleurer le plus silencieusement possible et le faisant halluciner des ombres menaçantes. Et quand, finalement, ce rêve-là s'était terminé, c'était un rêve érotique qui avait suivi. Presque pire, en fait, mais il n'était pas parvenu à se forcer à sortir de la chambre. Une fois accroché, il le restait jusqu'à la fin. Ça avait été très long comme nuit.

Raison pour laquelle il avait profité de l'absence de ses colocataires pour tenter de reprendre une partie de sa nuit entre dix heures et midi trente. Ce n'était pas vraiment calme encore là, puisque sa solitude dans la chambre était vite rattrapée par tous les gens passant dans les couloirs lui offrant sur un plateau d'argent leurs émotions. Il s'était réveillé sans cesse, ne sachant absolument plus comment il survivrait à ça. S'il continuait à ne pas dormir, ce serait insupportable. Disons que sur le temps passé seul dans son lit, moins d'une heure avait été consacrée à un magnifique petit sommeil réparateur. Mais c'était déjà ça. Faut prendre les choses positivement de temps en temps.

À midi trente, n'en pouvant plus, Logan se leva et alla prendre une douche. Longue, chaude et longue, longue... est-ce que j'ai dit longue ? La tête et le corps encore en action, dans deux domaines différents, mais au moins, ça le calmait un peu physiquement, ça compensait (très) légèrement pour la nuit merdique à laquelle il avait eu droit. Note pour soi-même : se procurer des somnifères. Puissants. Qui assommeraient un cheval.

Enfin, tout ça pour dire qu'une fois un peu plus vivant, il s'appliqua à la difficile tâche de se choisir des vêtements. Mettez quinze minutes pour ça, le temps qu'il choisisse, qu'il enfile, qu'il retire, qu'il mette autre chose, qu'il retire, qu'il reprenne le premier et qu'il soit satisfait. Par la suite venait la tâche qui faisait toute la différence pour Logan. Une des seules choses qu'il arrivait et se devait de faire peu importe son humeur : sécher, aplatir et placer ses cheveux. Pour ça, mettez plus de trente minutes. Se choisir des chaussures, se brosser les dents, vérifier ses cheveux à nouveau et... les vérifier une dernière fois. Voilà, il était prêt. Mais à aller où ? Huh, bonne question. Enfin, après la nuit qu'il avait passée, un endroit calme aurait été plus qu'apprécié. Question d'être lui-même un peu, de pouvoir décompresser. Mais ça, ça n'arriverait pas. Trop injuste. Il se décida finalement à aller faire un tour au parc, se disant que s'il y avait bien un endroit où il pourrait rencontrer des émotions calmes, ce serait là. L'idéal, en gros. Mais une fois là, qu'est-ce qu'il ferait ? Essayer de dormir ? Bof, regarder les nuages, peut-être. Ne pas se prendre la tête, ce serait l'idéal. Ne rien faire, pour une fois.

La route pour le parc fut plutôt rapide, accentuée de très peu d'émotions, bizarrement. À croire que tout le monde était assez neutre pour ne pas alarmer les cloches imaginaires dans l'esprit de Logan. Mais bon, c'était parfait comme ça. Si ça pouvait être comme ça tout le temps, il ne serait certainement pas là à se plaindre de sa capacité sans arrêt. Si seulement il pouvait la contrôler... non, non. Surtout, ne pas recommencer avec ça, ça finirait mal s'il se frustrait et tombait soudainement sur quelqu'un de mauvaise humeur. À la place, il se contenta de marcher, encore et toujours, s'approchant graduellement du milieu du parc, se sentant aussi beaucoup mieux. C'était une sensation agréable, sérieusement. Une émotion simple, joyeuse, mais vraiment... concentrée. Rien d'assez fort pour le contrôler. Le genre d'émotions qu'il adorait, parce que même s'il les ressentait, il pouvait rester lui-même malgré tout. Et ça, ça lui rappelait vaguement quelqu'un qu'il connaissait. Et bien, en plus. C'était encore léger, mais plus il s'approchait, plus il reconnaissait les sentiments et émotions que lui faisait généralement ressentir Evelyn. C'était probablement elle. Enfin, il ne tarderait pas à la voir apparaitre près de lui si c'était le cas... Gagné.

Aussitôt, et ce ne fut pas influencé par quelqu'un d'autre, un sourire se colla à son visage et il marcha en direction d'elle. Bon, il ne tenait pas à s'imposer, mais c'était sérieusement plus fort que lui : il fallait qu'il aille la voir. Chose qu'il fit. Et, apparemment, miss était plongée dans un bouquin. Façon de parler, disons qu'elle avait plutôt les mains dedans et le regard perdu. Fort intéressant si elle n'avait même pas tourné la tête pour montrer qu'elle avait constaté la présence de Logan. Ou peut-être qu'elle ne l'avait pas constatée, non plus. Toujours tout sourire, Logan prit place aux côtés de son amie, plus ou moins en sautant au sol, tentant de lire par-dessus son épaule.

« Ç'a l'air intéressant ton livre », dit-il doucement en guise de salutations.

Enfin, il se rattrapa par la suite en lui offrant son sourire -qui serait forcément constant maintenant- et en la regardant dans les yeux. Voir qu'elle ne l'avait même pas entendu à cause de ses écouteurs. Est-ce que ça le dérangerait ? Honnêtement ? Non !

Bien qu'il s'attendait tout à fait à avoir droit à une réaction du genre de la part d'Evelyn, Logan ne put pas totalement prévoir la force de l'impact, si on peut le dire ainsi. Ce n'était pas un sursaut qu'il avait eu, mais plutôt une instabilité temporaire. Il se raccrocha plus ou moins à son amie pour se retenir de tomber à la renverse, enroulant lui aussi ses bras autour d'elle, sans grande force cependant. Il avait l'impression qu'avec son sens du toucher plus développé, elle risquait de casser en deux s'il la serrait trop. c'était stupide de se dire ça, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. En tout cas, ce n'était certainement pas l'idée d'avoir failli se fracasser la tête contre le sol qui allait lui enlever le sourire du visage. Ça faisait du bien, d'être enthousiaste, de temps à autres. Bon, là il avait pas vraiment dormi et c'était un peu exigeant physiquement d'être trop de bonne humeur, mais ça finirait par se stabiliser.

Quand Evelyn le lâcha finalement, ou malheureusement selon le point de vue duquel on pouvait aborder la situation, Logan prit quelques secondes à reprendre son souffle. Veut, veut pas, ça pouvait être considéré comme du sport de faire un câlin. Surtout si l'adversaire était une petit blondinette au sourire ravissant. Celle-ci, d'ailleurs, entama un long processus pour lui demander de ses nouvelles. Aussitôt qu'elle posait une question, elle y répondait elle-même. Le jeune homme ne put s'empêcher de glousser légèrement, trouvant la cène à la croisée entre ridicule, mignonne et tout simplement normale. À force d'apprendre à connaitre son amie, il avait bien réalisé qu'elle était assez particulière, toutes capacités moins naturelles mises hors de cette constatation. C'était un véritable petit amour, Evelyn. Elle était tellement attachante, c'en était presque impossible. Lui-même ne comprenait pas pourquoi il n'était pas tombé amoureux d'elle aussitôt. Beaucoup auraient probablement misé sur leurs différences. Physiques, en tout cas, parce qu'il faut avouer que sur de nombreux points, ils étaient plus que dépareillés. Par contre, pour Logan, c'était tout simplement... comme ça. Ça ne s'était pas produit, ça ne se produirait très sûrement jamais et, au moins, leur relation pourrait rester belle beaucoup plus longtemps.

« Pas grand chose. Je peux maintenant affirmer pour de bon que les cauchemars éveillés sont atroces, que tes cheveux sont magnifiques aujourd'hui, plus que d'habitude je veux dire, et aussi que... la journée est belle. Rien de vraiment intéressant, en fait. »

Il n'allait certainement pas répondre à la question "comment ça va?", en tout cas. Tout d'abord parce qu'Evelyn avait trouvé la réponse toute seule en se corrigeant, mais aussi parce que c'était assez spécial. En un peu plus de douze heures, il était passé par une gammes d'émotions et par des sentiments tous plus opposés les uns des autres. De se stabiliser sur une seule humeur, c'était plutôt rassurant, et ça, il aimait bien. Quand je vous disais qu'il n'y avait que des avantages à se tenir avec Evelyn !

« Ah, et puis, je me sens un peu affectueux en ce moment, donc je vais me défouler sur toi un instant si ça te dérange pas. »

Toujours souriant et à côté de son amie, il glissa son bras autour de ses épaules, question de pouvoir plus facilement la rapprocher pour lui offrir un petit bécot dans les cheveux, juste en haut de la tempe. C'était un petit peu une gâterie, aussi, parce qu'il avait toujours adoré l'odeur de son shampoing, sans vraiment comprendre ce qu'il avait de si particulier, au fond. Mais pour Logan, tout ce qui touchait les cheveux était très important et digne de mention. La fragrance d'une belle chevelure, c'était pour lui aussi important qu'une belle coupe. Ça en disait long sur la personne. Je suis en train de parler de cheveux ? Hum, pardon. Tout ça pour dire que le jeune homme avait effectivement eu un soudain trop-plein d'affection, probablement causé par une bonne humeur trop soudaine ou peu importe. Il ne perdit pas son sourire et ne tourna pas la tête alors qu'il laissait son bras retomber vers le sol, derrière Evelyn, question de s'appuyer dessus pour se pencher un peu vers l'arrière et donc étirer sa colonne vertébrale. Lorsqu'il baissa finalement le regard, ce fut pour analyser rapidement le livre que "lisait" son amie avant qu'il n'arrive.

« Quoi de neuf pour toi et, surtout, c'est quoi ce livre-là ? Parce que ç'avait l'air franchement captivant quand je suis arrivé. »

Logan redressa ensuite la tête pour continuer à regarder son "interlocutrice" dans les yeux, chose qui était apparemment une forme de politesse.Et puis, de toute façon, il préférait regarder Evelyn dans les yeux que d'avoir le regard perdu dans le vide. En plus, ça montrait qu'il attendait sans grande impatience une réponse, si possibe.

C'était effectivement assez effrayant, les cauchemars éveillés. Mais bon, mieux valait ne pas s'étendre sur ce sujet, c'était inutile de penser à ça et, surtout, pas du tout une bonne idée d'en parler jusqu'à tomber sur les nerfs. Mieux valait oublier ça et espérer que ça ne se reproduirait pas, tout simplement. Enfin, il eut quand même droit à un joli retour de compliments après avoir lancé les siens à Evelyn, ce qui le fit sourire un peu plus encore ainsi qu'effectivement oublier que le sujet des cauchemars avait été abordé. Sérieusement, si la perfection existait, alors elle s'appelait sans aucun doute "Evelyn". Mais est-ce qu'elle avait vraiment un défaut, pour commencer ? En tout cas, Logan ne lui en avait pas encore trouvé ne serait-ce qu'un. Peut-être qu'un jour, un petit se dévoilerait finalement. Peut-être, hein. Au fond, c'était peut-être bien que le fait qu'elle améliorait sans cesse son humeur qui aidait à le rendre aveugle aux défauts qui pouvaient être visibles aux yeux d'autres personnes. Encore là, on retombe dans les peut-être. Il s'en fichait un peu, sérieusement, si elle avait des défauts. Ça n'aurait pu que prouver qu'elle était humaine, elle aussi. Enfin, surhumaine dans un sens, mais pensons à autre chose avant de repartir dans un grand développement de la pensée absolument inutile.

Après le semi câlin offert à Evelyn et son autorisation tout à fait positive, d'ailleurs, Logan eut droit à deux réponses aux questions posées. Pour la première, elle commença par lui répondre ce qu'on répondait presque toujours : "que du vieux". Par contre, les précisions arrivèrent tout de suite après et il ne put que se contenter d'hocher la tête, approuvant ses paroles. Oui, même lui il l'avait remarqué qu'Evelyn avait connu pas mal de personnes en un an. Ou plutôt qu'elle s'était liée à pas mal de personnes. Parce qu'au fond, lui aussi avait pas mal de connaissances, mais ça ne voulait pas dire qu'il parlait à tous ces gens. Il les connaissait de noms, il s'étaient dit bonjour une fois, c'était fini. Evelyn, elle... c'était comme si presque tout le monde était attiré et s'attachait aussitôt à elle. Ceux qui n'étaient pas dans ce cas... bah aux yeux de Logan, en tout cas, c'étaient des imbéciles. Il ne comprenait pas du tout leur point de vue. Lui-même s'était retrouvé fortement attiré -non, pas dans ce sens là- par Evelyn, et ce, presque dès le début. C'était pas mal plus plaisant que de ruminer sans cesse, de gueuler contre tout le monde ou encore d'être légume dans sa chambre tous les jours. Dès qu'il avait été aux prises avec sa stupide capacité, en tout cas, ça n'avait été qu'encore plus fort. Un peu obligé, en fait.

Quant au livre, ça lui semblait un peu... étrange comme histoire. mais en même temps, comme Evelyn semblait l'apprécier, il avait lui aussi envie de le lire. Chose qu'il ne ferait sûrement pas, ce serait répressible comme envie, si on peut dire.

« Pauvre mari quand même. Elle devrait le lui dire si elle sait que c'est pas lui son grand amour. »

Voui, c'était assez clair. Pas vraiment dit avec de la pitié, que Logan ne ressentait absolument pas à ce moment-là, mais c'était une affirmation qui résumait bien ses convictions. C'était important, pour lui, l'honnêteté. Ce n'était pas pour rien qu'il avait tenté de se faire implanter un détecteur de mensonges biologique et s'était retrouvé avec une espèce d'empathie quasi-démoniaque. Enfin, il arrivait quand même à s'en rendre compte la plupart du temps quand on lui mentait, puisque c'était rare qu'aucun sentiment n'accompagne le mensonge. Mais un simple détecteur de "Vrai ou Faux" lui aurait amplement suffit. Sérieusement.

Il leva les yeux vers le ciel un instant, constatant pour la première fois qu'il était couvert. Et lui qui croyait qu'ils auraient droit à une belle journée et tout ! Faut dire qu'il n'était pas trop un fanatique de la pluie à la base, mais tout le monde dans le coin semblait en être raide dingue, carrément. Assez difficile de ne pas passer par-dessus le fait qu'elle ruinait ses cheveux quand tout le monde autour de lui dansait sous les gouttes d'eau en chantant. Ehm, d'accord, il n'avait vu personne faire ça encore, mais c'était évident qu'aussitôt que le petit Jésus se mettait à faire pipi, tout le monde était soudainement pris de l'envie de devenir de grands danseurs de ballet. Ça faisait probablement comme chanter sous la douche, aussi, d'entamer une chanson de Disney sous des trombes d'eau. Carrément des trombes d'eau, oui. Normalement, il aurait vu ça d'un oeil plus critique. mais avec Evelyn à côté, évidemment, il était trop heureux pour tout simplement trouver ça stupide plutôt que grandiose comme idée.

« Tu crois qu'il va pleuvoir ? », ajouta-t-il tout en regardant son amie à nouveau, tout sourire comme il est probablement inutile de le préciser.

Il l'avait dit comme ça, simplement parce qu'il n'arrivait pas vraiment à voir le concept dans "J'espère qu'il n'y aura pas de pluie", mais aussi parce que "Il va pleuvoir" était trop catégorique. Il n'en avait aucune idée de s'il allait pleuvoir ou non, au fond. Il souhaitait quand même que ses cheveux seraient épargnés. Comme toujours. Mais quelque chose lui disait que quelques bonnes gorgées d'eau et la présence d'Evelyn lui feraient rapidement apprécier la pluie si elle se décidait à tomber plutôt que de continuer à mettre ses poils crâniens au premier plan. Poils crâniens, pff, manque de respect, carrément...

Dans un sens, Logan comprenait tout à fait le point de vue d'Evelyn. Obligé. Si l'histoire se déroulait dans un cadre temporel plus ancien, alors il était normal que la dame n'ait pas pu agir de cette façon. Il n'osa pas dire ce qu'il pensait, mais il avait soudainement une idée de comment le livre allait se terminer. Quelqu'un découvrirait les infidélités de la femme et elle serait pendue ou décapitée. Enfin, ça dépend d'à quelle période exactement l'histoire était, aussi. Quant à l'opinion de son amie sur les gens qui butinent de fleur en fleur, il préféra ne pas ouvrir la bouche. Évidemment qu'il partageait l'avis d'Evelyn, il n'avait pas trop le choix, mais au fond de lui-même, il n'était pas trop en accord avec le passage en entier. Ce n'était pas une question de butiner et de s'ennuyer, selon lui, mais plutôt d'avoir trouvé la bonne personne ou non. Quand les filles étaient forcées de se marier à des hommes dont elles n'étaient même pas amoureuses, ce n'était probablement pas mieux du tout. Mieux valait chercher pendant longtemps jusqu'à trouver la bonne personne que de passer sa vie avec quelqu'un pour qui on éprouve rien. En fait... en fait il n'en savait trop rien. Tant qu'il serait comme ça, ce serait fini pour lui, les vraies relations. Alors est-ce qu'il avait vraiment son mot à dire ? Sûrement pas. Il n'avait jamais butiné de fleur en fleur, de toute façon, et n'avait jamais eu de relation sérieuse non plus. Tout avait été tellement plat et sans particularités jusqu'à sa mutation que c'en était pathétique. Et après... on connait l'histoire. L'histoire tragique d'un jeune homme qui ne pourrait probablement jamais tomber amoureux par lui-même. Ça, ça aurait un bon roman, non ?

Logan se contenta d'hocher la tête pour montrer qu'il était d'accord avec Evelyn, même si ce n'était pas tout à fait le cas. Honnêtement, ça l'avait un peu déstabilisé et il ne savait plus où donner de la tête, peu importe comment il se sentait à l'intérieur. C'était assez bizarre d'être ainsi partagé entre la force de ce qu'il ressentait venant de l'extérieur, qui le contrôlait, et ses propres sentiments à lui, bien plus faibles et reculés, qui n'avaient pas vraiment de personnalité propre à ce moment-là.

Après qu'il ait posé sa question par rapport à la pluie, Evelyn lui répondit qu'elle ne savait pas, puis ajouta quelque chose sur les livres imperméables. Logan y songea l'espace d'un seconde et sourit à nouveau, un peu plus en tout cas, approuvant son idée. Par contre, si ce n'est que par la couverture, il n'avait aucune idée de comment les livres pourraient être imperméables. Peut-être en plastifiant les pages ? Ouais, ça ça fonctionnerait, évidemment, mais ça serait hyper désagréable à lire tant ce serait épais. Il faudrait du papier résistant à l'eau, voilà tout. Quant à la réflexion d'Evelyn sur la pluie et la neige, Logan ne put qu'approuver, et pas seulement parce qu'elle était enthousiasmée par rapport aux flocons. Lui-même l'était, pour de vrai, et il le savait très bien. Enfin, il aimait quand la neige tombait, question de pouvoir faire des batailles de boules de neige, ou encore de pouvoir construire des forteresses, exactement comme il le faisait quand il était enfant. La neige, ça rendait toutes les personnes au coeur d'enfant joyeuses, et c'était vraiment agréable de s'amuser à l'extérieur avec celles-ci. C'était un peu comme d'être à côté d'Evelyn : ça le calmait, le rendait joyeux et plus serein. Par contre, quand il y avait trop de neige, ça faisait peur. Il n'avait jamais connu ça à Philadelphie, les États-Unis sont après tout peu recouverts de neige même en plein hiver, mais ses parents avaient déjà eu la merveilleuse idée de le trainer au Canada quand il était plus jeune, au début du mois de décembre. Churchill, au Manitoba. En plus d'avoir à survivre à environ -30 degrés, ce qui n'était même pas le record de froid, ils avaient dû assister à une attaque d'ours polaire. Logan n'avait jamais compris pourquoi ses parents avaient tant tenu à le trainer dans cette ville-là. C'était un espèce de trou en plus, même pas mille habitants. Enfin, ça, c'était le genre de neige qu'il n'aimait pas. Mais de la belle neige collante avec laquelle il pourrait construire un bonhomme de neige, ça lui allait parfaitement.

« On devrait en avoir dans pas longtemps. En tout cas, j'espère. Ça serait vraiment bien d'en avoir, à Noël », répondit-il avec enthousiasme.

Selon Logan, et selon pas mal d'autres personnes aussi, un Noël sans neige n'était pas un vrai Noël. Ça faisait tellement plus féérique, tellement plus magique quand de gros flocons moelleux et ressemblant à de la ouate leur tombait sur la tête, ou bien de l,autre côté de la fenêtre alors qu'ils déballaient des cadeaux soigneusement emballés. Tout ça, sous le sapin de Noël, avec un chandail en laine sur le dos et le foyer en train de brûler des bûches et de crépiter tout juste à côté. Avec toute la famille qui attend de voir la réaction, les sandwiches coupés en petits triangles et sans croute. Les cure-dents avec un raisin entouré de deux cubes de fromage, les petites saucisses entourées de bacon - qu'il ne mangeait pas par contre -, les salades de macaronis froides, les bûches de Noël, les cannes de Noël... Oui, bon, tout ça pour dire que c'était vraiment une belle période de l'année, tant et aussi longtemps qu'on pouvait fêter ça avec beaucoup de gens, entre amis ou en famille. Même que ça rendait supportables les vieilles tantes qui pincent les joues.

« Je commence à avoir vraiment hâte à Noël, même si je sais pas encore de quoi ça va avoir l'air cette fois-ci. T'as prévu quoi, toi ? Retrouvailles avec ton énorme famille blonde ? », demanda-t-il en souriant, évidemment sans grand sérieux.