Ôooooo... espriiiiit... {Amanda}

La nuit était fraîche. Pas au point de le faire trembler comme une feuille mais quand même. Jasson marchait à pas vifs sur la pelouse en cherchant quelque chose, ou plutôt quelqu'un dans l'obscurité. Elle en avait de bonnes l'autre... "Vingt-trois pas à partir du quatrième lampadaire que tu vois en sortant de ta résidence". Ben voyons... et dans quel sens, il était sensé partir pour le coup ? Cela faisait bientôt vingt minutes qu'il marchait de long en large en comptant ses pas sur la pelouse, en faisant demi-tour et en repartant d'un autre quatrième lampadaire qu'il aurait pu voir. Même manège et même issue. Toujours personne. Il était bientôt minuit. Soit elle était en retard (après avoir radoté pendant dix longues minutes sur l'importance de le faire à minuit), soit il s'était perdu sur les pelouses du campus. Et dans les deux cas, la situation était ridicule. Minuit, minuit dix... on n'était pas à ça près. Et se perdre sur une pelouse ? N'importe quoi... m'enfin quelle idée de mettre autant de pelouses aussi ! Il aurait fallu une carte des pelouses tiens ! Ca aurait été particulièrement stupide, mais néanmoins très utile dans ce genre de situations. Quelle idée de le faire sur une pelouse ! Ils auraient pu faire ce genre de trucs n'importe ou après tout... dans le foyer par exemple. Bon... d'accord, la dizaine de losers qui devaient encore y traîner aurait été vaguement dérangeante. Ou pourquoi pas à la bibliothèque ? Sans doute fermé à l'heure qu'il était... mais tordue comme elle était, elle serait sans doute parvenue à subtiliser un double des clés. Eh bah nan. Cette folle furieuse assassineuse de hamsters avait préféré une bête pelouse. Et puis avec les lampadaires ça le faisait carrément moins... et faire ce genre de choses sur une pelouse... franchement...

A cette pensée, Jasson resserra dans ses bras l'énorme paquet hyper louche qu'il tenait dans ses bras. Ciel, comment osait-elle lui faire transporter ce genre de trucs ? C'était ses bidules après tout ! Qu'elle se les garde... imaginez un peu qu'on le surprenne avec ça ? Elle n'avait aucun soucis à se faire elle, elle était déjà tordue. Bon... d'accord, lui, il avait la réputation de parler tout seul. Pas mieux. Et alors ? C'était pas une raison ! C'est vrai quoi...
- Ah, mon garçon, si j'étais à ta place, j'aurais honte, soupira un homme d'âge mûr qui marchait à côté de lui depuis on ne savait trop combien de temps. A mon époque, on ne faisait pas ce genre de choses puériles...
- Menteur, répliqua Jasson en haussant les épaules.
Qui n'avait pas déjà voulu essayer au moins une fois ? C'était parfaitement ridicule, certes. Mais on s'occupait comme on peut, hein ? Et puis ça pouvait être intéressant. Ou pas.
- Allons, laisse-le donc ! Il s'est même habillé de circonstance, regarde, ajouta une femme aux cheveux roux.
Jasson se contenta de lâcher un son similaire "humph", signe de sa totale indifférence vis-à-vis de leurs commentaires. Mouais, bah quoi ? Elle lui avait dit de s'habiller en noir. Genre que ça faisait mieux dans le contexte. Tu parles. C'est bien parce qu'il avait encore quelques trucs noirs de propre dans sa commode. Sinon, il n'aurait jaaaaamais pris la peine de faire l'effort juste pour se montrer sympa. Évidemment. Nan, mais oh ! Fondamentalement, il assumait ne pas être quelqu'un de sympathique. Voilà. D'abord !

Il aperçut au loin une petite lueur inhabituelle qui n'avait rien d'un lampadaire. Qu'est-ce qu'un lampadaire ferait au beau milieu d'une pelouse de toute façon ? Mouais, bon, ça avait un certaine utilité si l'on voulait ne pas se péter la gueule. Mais de toute manière, qui était assez débile pour se promener sur les pelouses au beau milieu de la nuit ? Non, inutile de répondre à cette question. Il s'approcha rapidement de la lueur, desserrant inconsciemment le paquet dans ses bras. Toujours personne. Juste une petite bougie à cette emplacement. Berk. L'espèce de trucs que vous achetiez dans les supérettes et qui dégageait une senteur immonde. Ugh. Il prit cela comme pour une confirmation du lieu de rendez-vous. Bah, elle était passée où du coup ? Allée chercher d'autres bougies ? Pas des parfumées, il espérait... l'odeur était écœurante. Nan, mais quelle empotée ! Et dire qu'elle l'avait bassiné un peu plus tôt pour qu'il aille chercher des bougies. Inutile de mentionner qu'il en avait pris des noires et inodores. Il posa le paquet (enveloppée à la va vite dans des vieux draps sales... manquerait plus qu'on le surprenne avec CA !) près de la bougie et s'assit en tailleur. Attendit, attendit, attendit. Au bout d'exactement une minute et trente quatre secondes (sa patience avait toujours été très limitée) il regarda (pour la quarante-septième fois) sa montre. Raaaah, mais elle faisait quoi ? Il était bientôt minuit ! L'avait intérêt à avoir une bonne excuse pour ne pas être là, alors qu'il aurait pu dormir tranquillement dans son lit au lieu d'être là, planté au beau milieu de la pelouse, prêt à s'adonner à on ne sait trop quelles activités louches.

Perdant patience (il lui en fallait peu), il se décida finalement à déballer le paquet en attendant. Il étudia avec concentration la boîte. "Parker - Plaque Ouija". PFFFFF... elle aurait quand même plus acheter une vraie plaque Ouija ! Bon d'accord, ça devait être un peu plus cher... mais ça le faisait carrément pas avec le sigle Parker. Ils étaient pas là pour jouer à la Bonne Paye quoi... quoique, ça aurait pu. Assez divertissant. Naaaan, rien à voir avec le fait qu'il adorait avoir une liasse de billets en main. Évidemment ! Mm. Devraient jouer au Monopoly la prochaine fois...

Depuis 21h ce soir-là, elle passait son temps à regarder sa montre toutes les cinq minutes. Pour s'occuper, elle fouillait son armoire, à la recherche de vêtements noirs, balançant ses vêtements au hasard dans la chambre, y compris sur les lits de ses collocs, ce qui au passage ne lui posait pas plus de problèmes éthiques que moraux. Ses collocs étaient chiantes. Donc. Des vêtements de toutes tailles s'étaient entassé un peu partout dans la chambre. Amanda n'avait jamais jugé utile de faire le tri parmi les fringues qu'elle réussissait à porter il y a encore un an et celles qu'elle s'était acheté depuis, même si les premières ne lui étaient plus d'aucune utilité. Elle opta finalement pour la longue robe noire qu'elle avait porté pour l'enterrement de son troisième hamster (tiens, il y avait encore quelques taches de sang, dessus!) et un béret noir.. Parce qu'elle aimait bien les bérets. Ceci fait, elle avait comaté, assise sur une des piles de vêtements par terre, imperturbable, meme quand ses deux collocs entrèrent et l'accusèrent du désordre qui avait envahi toute la chambre. Elle avait fini par craquer aux environs de 23h30. La patience n'était pas tellement le fort d'Amanda, et pourtant, elle était la première à fixer des dates, lieux, heures ultra précis où c'est que si tu viens avant ou après, c'est mal. Enfin là c'était pas de sa faute, quand on voulait faire les choses bien et se la jouer super spiritisme de la mort qui tue, il fallait faire les choses à minuit pile. Pas d'autres solutions. Et encore, elle avait été gentille, elle avait pas attendu une nuit de pleine lune.

A 23h30, donc, elle avait quitté sa chambre, décidant de se diriger lentement et discrètement jusqu'aux pelouses (sans que Jasson la voit sinon c'était nul), emportant au passage avec elle son sac (noir bien sûr) où se trouvait son kit de survie de base : deux posters de Spike, un lapin en plastique qui faisait "couic" quand on appuyait dessus, deux-trois bougies parfumées qu'elle avait récupéré dans le tiroir d'Evelyn et un sécateur. Arrivée au (bon) lampadaire, elle fit les vingt-trois pas ultra-nécessaires pour se trouver au milieu de la pelouse (en fait elle avait choisi ces vingt-trois pas parce que c'était son nombre préféré, vingt-trois). Elle jeta un coup d'oeil à sa montre.. moins le quart. Fichtre, si Jasson débarquait elle aurait l'air d'être en avance (ce qui était le cas), ça le faisait pas du tout! Bon, tant pis, elle irait attendre derrière un arbre, sinon... Ouais. En fait nan. Si Jasson la voyait pas débarquer illico presto, il serait encore capable de se barrer, elle s'était déjà escrimée pour qu'il accepte de venir ce soir, il manquerait plus qu'elle l'ait fait pour rien.

Bien sûr, elle aurait très bien pu faire ça toute seule, ou bien demander à quelqu'un d'autre (il y avait plein de tordu dans cette fac à accepter ce genre de rendez-vous louche juste dans l'espoir de développer une bonne entente avec ce dit individu), mais Jasson, il était marrant, elle aimait bien lui demander d'embarquer deux-trois morts avec lui, comme ça, pour le fun. Puis le genre tu-me-soules-mais-j'accepte-quand-meme-un-rendez-vous-louche-à-minuit-au-beau-milieu-de-la-pelouse-mais-c'est-carrément-pas-par-amitié, c'était vaguement comique. Sans compter qu'il était un des rares à accepter d'aller au ciné avec elle regarder un crétin de prince récupérer son trône en sachant qu'arriverait le moment fatidique où elle commencerait à balancer ses pop-corns sur un peu tout le monde. Ou sans doute acceptait-il d'aller au ciné avec elle juste à cause de ce dernier point...

Bref, elle en était toujours au même point : être à l'heure sans que Jasson se barre. Finalement, elle ne trouva qu'une seule solution. Elle retira son sac de ses épaules et y fouilla à la recherche d'une des bougies parfumées d'Evelyn qu'elle tenta du mieux qu'elle put de maintenir en équilibre par terre. Elle sortit ensuite un briquet d'une poche de sa robe (nan elle fumait pas, c'est toujours pratique d'avoir un briquet sur soi, c'est tout!). Une fois la bougie allumée, elle décida cette fois-ci qu'elle pouvait se cacher derrière l'arbre le plus proche et attendre qu'il arrive, pas moyen qu'il ne se doute pas que c'était elle qui avait allumé la bougie. Elle attendit ainsi, adossée contre un arbre à quelques mètres de la lumière de la bougie parfumée, les bras croiés, jetant successivement des regards vers la petite flamme et vers sa montre. Il arriva un peu plus tôt que prévu.. et habillé en noir! La prochaine fois elle lui demanderais de mettre des oreilles de lapins roses, juste pour voir...

Ce fut à son tour de regarder sa montre sans arrêts.. Il y avait une justice! Il avait commencé à déballer le "jeu". Ah ah! Elle avait toujours rêvé de faire ça. Ce fut seulement quand il ne resta que cinq secondes (selon sa montre) avant minuit qu'elle décida de quitter sa cachette et d'aller le rejoindre, l'air de rien (même si elle arrivait pas du bon côté).

"Yo!"fit-elle tout en s'asseyant face à lui.

Elle se frotta les mains avec impatience.

"bon, on commence?"

Il ne restait plus que quelques secondes avant l'heure fatidique lorsqu'Amanda daigna enfin pointer le bout de son nez. Il ne répondit nullement à sa question mais se pencha en avant et plissa des yeux pour mieux repérer l'endroit duquel elle venait d'apparaître...
- Je rêve... t'étais planquée derrière cet arbre depuis tout à l'heure ! s'écria-t-il atterré.
Franchement, il n'arrivait même plus à être surpris. Il n'y avait même pas de quoi être surpris quand ce genre de lubies venait d'une n'assassineuse de hamsters.
- T'aurais pu me le dire... vous auriez pu me le dire ! râla-t-il en ébouriffant ses cheveux d'un geste agacé. Tu cultivais des carottes ou quoi derrière cet arbre ?!
PFFF. Pour toute réponse, l'homme en costume et la femme rousse se contentèrent d'hausser les épaules d'un air indifférent. Ah ouais, sympa merci... les morts étaient de plus en plus cruel de nos jours.

Nan, mais sérieusement, il lui manquait un grain ou quoi ? Elle aurait pas pu se planter là avec un énorme panneau clignotant au lieu de le faire chercher sur toutes les pelouses pour ensuite le faire poireauter comme un idiot avec leur planche Ouija ? C'était à se demander pourquoi est-ce qu'il acceptait encore de traîner avec elle... Ah oui. Parce qu'elle butait des hamsters et qu'elle balançait du pop corn sur les gens (il avait des critères d'amitié particuliers...). Peut-être aussi parce qu'à côté d'elle, il paraissait presque sain d'esprit. Parler tout seul n'était aucunement bizarre à côté d'une killeuse de hamsters, après tout. Et puis globalement, il ne supportait que les gens qui n'étaient pas supportables, donc...

- Pas étonnant que j'avais des frissons dans le dos, poursuivit-il d'humeur grincheuse en imaginant l'aliénée de service l'observer dans le noir de son regard vicieux... Brrrr.

Il sortit les quelques bougies qu'il avait apporté et les installa ici et là. Elles formaient un ensemble assez disparate et pour le moins étrange avec les deux bougies parfumées qu'avait apporté Amanda. Mais bon... qu'est-ce que ça changeait de toute façon ? Les esprits n'allaient pas s'en formaliser, si ? Nan, bien sûr que nan, il ne croyait pas aux esprits. Mais disons, généralement, est-ce qu'un esprit (qui n'existait pas ! évidemment) pouvait trouver à se plaindre de certaines bougies ? Et puis dans les films, y avait toujours des bougies quand les gens faisaient mumuse avec une plaque Ouija... comme ça, après les bougies s'éteignent et bouh ça fait peeeuuur... Enfin c'était sensé se passer comme ça quoi.

Mouais, je sais... pourquoi diable est-ce qu'il faisait mumuse avec une plaque Ouija alors qu'il voyait déjà les morts ? ...ben déjà... ça a l'air cool et marrant une plaque Ouija. A essayer au moins une fois dans votre vie ! Et puis imaginez qu'il puisse parler avec d'autres morts que les morts qu'il voyait déjà avec la plaque Ouija ? Bon, d'accord... il avait déjà assez à faire avec ceux qu'il voyait déjà. Et certes... il n'aimait pas parler aux morts. Mais peu importe, c'était toujours pour le principe d'utiliser une plaque Ouija ! Ça devait être marrant de bouger un p'tit triangle et de le bouger sur une plaque pour former un message. De quoi, c'était puéril ? Pas du tout ! Et puis de toute façon, Amanda l'avait proposé en premier donc... moui bon, elle avait rajeuni et avait un sérieux grain. Mais toujours est-il qu'elle l'avait proposé en premier ! Et que c'était très méchant de refuser méchamment de jouer le jeu (genre que ça gênait son éthique...). Donc, voilà, il n'avait pas pu refuser forcément (toute façon, l'aurait jamais admis à haute voix qu'il trouvait ça marrant...). Manquerait plus qu'on pense qu'il jouait à ce genre de trucs de sa propre volonté...

Il alluma rapidement les bougies à l'aide d'allumettes à défaut d'avoir un briquet (parce que les allumettes ça fait plus pyromane que les briquets... vachement plus classe !).
- Commençons, acquiesça-t-il finalement après avoir mis son mode râlage en veilleuse.
Il sortit la planche de son emballage et la déplia. Forcément, quand c'était un vieux truc Parker moisi, c'était forcément un bidule dépliant genre jeu de société à deux noises. Mouais, ça le faisait nettement moins du coup. Bon, les bougies compensaient au moins (à part les deux parfumées... mais c'était pour remplacer l'encens voilà). Il chercha dans la boîte le petit triangle en bois et le posa sur la planche. Y avait une notice aussi dans la boîte...
...
Bof, qui lisait les notices de toute façon, hein ? Jasson jeta négligemment la notice dans la boîte sans demander son avis à Amanda. L'était sûr qu'elle voudrait pas la lire non plus la notice... et puis c'était écrit en tout petit quoi ! Et puis ça faisait au moins dix pages leur truc !

Hésitant encore un moment, il posa finalement ses mains le premier sur la planche.
- J'te préviens, n'essaye pas d'écrire des messages (trop) bizarres ! Je le saurais si tu triches, ils sont là pour me le dire, ajouta-t-il d'un air un tantinet condescendant.
Genre "Mwahahaha, je vois les morts et pas toi... (nananèreuh)". Bref... pour une fois que son don avait une vague utilité (on peut dire ça comme ça) autre que lui porter sur les nerfs... Il attendit patiemment qu'elle en fasse de même et qu'elle pose la première question.

Oh! Bah zut alors, il avait remarqué qu'elle s'était caché... Tant pis. En fait, c'était pas important, nan? Non. Et au moins, il s'était pas barré, comme ça! Ah! Ah! Bien joué, Amanda!! Haussant les épaules, elle ne trouva qu'une réponse à donner à ses différentes remarques :

"C'est pas la saison des carottes!" qu'elle avait dit avec un sérieux tel qu'on pouvait penser... Non, en fait elle était vraiment sérieuse.

Cette remarque profondément pertinente et ô combien spirituelle (qu'on évitera sans doute de relever) prononcée, elle se réinstalla plus confortablement tout en observant Jasson installer le tout. Il avait vraiment amené les bougies!! Nan, c'était pas qu'elle en avait douté.. Mais c'était Jasson, quoi, elle était pas allée chourrer des bougies pour rien. L'ensemble était trop classe, on se serait cru dans ce film où c'est qu'il y avait un groupe d'ados qui faisait une séance de spiritisme au beau milieu d'une forêt toute sombre .. Ils avaient fait tout un cercle avec des bougies. Si elle se souvenait bien, le film devait s'appeler "le groupe d'ados qui faisait du spiritisme dans la forêt au beau milieu de la nuit"... Ou peut-être que c'était un épisode de Charmed, qu'elle avait vu? Quelle importance, le résultat était là, et c'était stylé, puis les bougies parfumées, ça sentait bon, en plus!

Après cela, Jasson commença à installer le ouija. A l'inverse de ce dernier, amanda n'était pas le moins du monde perturbée par le siggle ouija du dit "jeu". Après tout, c'était comme quand on achetait un death note et qu'il y avait le siggle ultra commercial de death note en haut à gauche des pages de gauche. ça restait stylé quand même. Et puis, fallait pas abuser, ça coûtait cher un vrai ouija! Okay, Amanda avait une grande tendance à jeter par les fenêtres l'argent que lui fournissait assez généreusement ses parents, mais là elle en aurait même plus assez.. Et puis, elle économisait pour une nouvelle roue à hamster et une poupée vaudou.

Une fois que tout fut installé, et que Jasson ait posé ses mains sur la planche la fausse-vraie gamine fit de même n on sans avoir prit auparavant une immense inspiration comme si c'était là la chose la plus super essentielle du monde. Elle allait commencer sans en demander la permission à Jasson quand ce dernier le lui proposa. D'une manière pas sympa, tss. Ayant pris soin d'autant auparavant ses mains de la planche (fallait pas insulter ces pauvres esprits, 'tendez!) elle lui tira copieusement la langue. Genre il se la pétait carrément quoi, elle aussi elle pouvait parler aux morts, si elle voulait! Bon, okay, elle pouvait pas... Mais elle, elle pouvait..euh.. euh.. huum... Raaa pourquoi elle était la mutante à avoir récupéré le truc le plus inutile? C'était même pas un vrai pouvoir. C'était pas que ça lui déplaisait, mais ils auraient pu.. chais pas... remplacer ses yeux par des detecteurs de rongeurs... Crétins, ils faisaient vraiment tout à moitié, dans son labo, franchement!

Bon allez, un peu de concentration, diantre! Que le spiritisme commence, après tout, ils étaient là pour ça. Elle reposa donc ses mains sur la planche, un air d'extrême concentration sur le visage. C'était que c'était du sérieux, c'était pas un jeu! Même si y'avait marqué Parker sur l'emballage.
Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, elle avait (un tout petit peu) regardé les règles (sur wikipedia... la flemme d'ouvrir l'emballage). Du coup, elle commença par prononcer la phrase bénite que volonté wikipedia voulut qu'elle prononce.

"Ouija, est-tu là?"

Quand on y réfléchissait (et même si Amanda réfléchissait peu), la question était carrément débile. Evidemment qu'il était là, le ouija, z'avaient les mains dessus, saperlipopette! M'enfin, on ne contredisait pas le grand Wikipedia. Bientôt, la flèche/goutte/c'que vous voulez, se déplaça sur le "OUI"... Nan, Amanda avait pas triché du tout, elle avait absolument pas poussé un tout p'tit peu. Pourquoi elle l'aurait fait d'abord? ça existait, les esprits! Jasson se tapait le discute avec eux une quinzaine de fois par jour! D'accord, Jasson était-il fiable? On sait jamais, il se tapait peut-être des trips tout seul, le pauvre chou! Enfin, Amanda voulait pas tellement réfléchir. Réfléchir, c'était chiant.

Elle posa donc la question suivante en articulant tout bien pour que les esprits comprennent, hein:

"Est-ceu qu'on maaangeuu dees friiteu daans l'eauu-delààà?"

Bah quoi? C'était pas un message bizarre, si? La flèche ne bougeait pas. Comme pour s'excuser (les esprits ne mangeaient sans doute pas et elle venait les torturer avec ses histoires de frites, aucun coeur, les pauvres), elle ajouta précipitemment :

"Nous venons en paix!"

Silence.

"Peace and love"

Elle hésita à ajouter le geste à la parole avant de se rappeler qu'il fallait absolument pas que les mains quittent le ouija une fois les esprits invoqués, sauf si demande polie (vive wikipedia!).

Okay d'accord... avouons-le. C'était lui qui avait poussé le bidule. Mais c'était marrant de voir Amanda, complètement à fond dans son trip ! Non pas qu'il prenait plaisir à la berner... enfin si, un peu quand même. Aussi s'efforça-t-il de se montrer des plus convainquants, lorsqu'il fronça très légèrement des sourcils en voyant la goutte se diriger vers le 'OUI'. Très légèrement, parce qu'elle l'aurait remarqué s'il avait trop exagéré. Jasson n'était pas le type de personne à sursauter trop fort (à part quand il voyait un gars passer avec une hache plantée dans la tête). Et puis un froncement de sourcils, ça pouvait aussi vouloir dire "T'as triché, hein ? Avoue !". Il ne prit pas la peine de 'répondre' à la question suivante. Quel genre d'esprit assez débile répondrait à ce genre de questions ?

- Je crois que ça veut dire non, commenta-t-il en haussant les épaules.

Est-ce qu'ils bouffaient au moins, là-bas ? En supposant qu'il y ait un 'là-bas', ce dont il doutait très fortement. Et il était persuadé qu'Amanda (aussi attardée soit-elle) en doutait plus ou moins elle aussi. Ben quoi ? Ils avaient pas l'air hyper fute fute, mais ils avaient quand même été acceptés dans un des labos, hein ? (Bon, pour des tâches ingrates comme laver la verrerie et servir de cobbaye... certes). Z'avaient un chouïa la rationnalité (pas nette) d'un esprit scientifique mine de rien (mis à part, bien entendu, le fait qu'elle pensait sérieusement que les crapauds-buffles pouvaient sérieusement être une menace pour l'espèce humaine...). Et puis la science explique tout, voilà. De toute façon, ils se cacheraient où les esprits, hein ? Dans les buissons ? Bon, à part les deux trois morts qui les regardaient bizarrement. Mais nan, un esprit et un mort c'était pas pareil d'abord... ou p'têt que si. Faut dire que son don, il avait pas été fourni avec un manuel. Alors qu'est-ce qu'il en savait ? Absolument rien. Il en avait juste déduit qu'il voyait des morts, depuis le jour où l'on lui avait faire remarquer qu'il parlait tout seul et qu'un pauvre type avec qui il avait tapé la discute s'était trouvé être mort quelques jours auparavant dans le journal. Et puis des esprits, dans les films, c'était toujours des espèces de fantômes tordues, diaboliques et psychopathes qui cherchaient à buter les héros. En l'occurence, Jasson ne parlait pas à des fantômes psychotiques, juste à de pauvres crétins qu'avaient pas de bol et étaient morts plus ou moins prématurément. Et puis, ouais, il était assez probable qu'il ait simplement des trips. Les quelques misérables articles qu'il avait reccueilli dans la rubrique néchrologie, c'était pas suffisant ! Juste parce qu'il avait tapé la dispute avec deux ou trois halucinations qui s'étaient retrouvés dans le journal... c'était p'têt que des coïncidences ? Dans ce cas, Jasson reconnaissait être mentalement perturbé. Et pourtant, quand il était petit, il était pas du genre bizarre à regarder des films gorres et tout, vous savez ? Mouais, il avait même été un gosse plutôt ennuyeux jusque là. A quelques trois mauvais traits de caractère près.

- Hum, commença-t-il une fois qu'Amanda eut fini de déblatérer ses absurdités. T'sais quoi ? J'suis sûr qu'ils ont compris qu'on venait en paix...

Roulement d'yeux. Bof, de toute façon, ça changeait quoi qu'ils viennent en paix ou pas ? Et à bien y réfléchir... est-ce que les esprits étaient sensés tout savoir ? Hum, mettons qu'il devienne un esprit lui. Et qu'une pauvre attardée du monde mortel l'invoque pour lui poser ses questions à deux balles (genre où qu'elle avait foutu ses bougies parfumées ou encore si le prince baveux viendrait). Ben, comment est-ce qu'il était supposé savoir lui, hein ? Les esprits, c'était pas des Madames Irma non plus ! Enfin, dans le cas hypothétique où il croyait aux esprits, hein ? Parce qu'évidemment, il ne croyait paaaaaas du tout aux esprits, d'abord. Evidemment... Rationnalité avant tout.

- Et d'ailleurs, t'as pas lu sur Wikipédia ? T'es pas sensé poser des questions sur l'au-delà !

Ô seigneur Wikipédia...

Jasson ne bougea toujours pas ses doigts de la goutte et s'étira vaguement le cou pour se détendre. Il jeta un regard furtif aux deux morts qui l'observaient d'un regard narquois comme si la situation était particulièrement ridicule ou amusante ou les deux à la fois. Mouais, d'accord, c'était débile pour quelqu'un qui voyait des morts de jouer au medium...

- Esprit...

Une question pertinente... autre que "Et avec les frites, vous avez du ketchup aussi ?"... autre que "Vous croyez que Waterson se fera bouffer par un calmar géant, un jour ?".

- ...suis-je en train de devenir... barge ?

Silence.

- Bon...

'OUI'.

- Tu l'as bougé ! accusa Jasson en lançant un regard noir à Amanda.

Mouais, c'était sûr, elle l'avait bougé quoi ! Les quelques morts qui l'accompagnaient depuis un petit moment maintenant (bon sang... z'avaient rien d'autre à faire ??) éclatèrent de rire si fort, qu'il ne s'entendait même plus les rouspéter mentalement. Argh, stupides défunts ! ...est-ce que les morts pouvaient bouger la goutte d'une plaque Ouija ?

Pas le droit de poser des questions sur l'au-delà... Ah oui.. Elle avait oublié cette close du grand Wikipedia, honte à elle. Et flûte et carabistouilles, ça l'arrangeait pas des masses, ça mine de rien. Elle leva rapidement les yeux vers le ciel, comme si ce simple geste lui permettrait de décider de l'état d'esprit des esprits (wa le jeu de mot naze!). Est-ce qu'ils avaient été fâchés par sa question? Meu non voyons, pourquoi le seraient-ils donc? Après tout, elle ne devait pas être la première, tous ceux qui avaient déjà joué au ouija (n'importe quoi c'pas un jeu, c'est très serieux!) n'avaient pas forcément consulté auparavant le grand roi wikipedia, le magnifique. C'était pas grave, elle referait pas la même erreur deux fois, voilà tout. Ne trouvant aucune remarque à sortir à Jasson qui aurait pu être suivie d'un "taaac dans les dents" bien sorti, Amanda préféra se taire, l'air de ne pas avoir prêté attention à sa remarque (ce après y avoir réfléchi un siècle durant).

Elle le laissa donc spiritualiser un peu. Et ne bougea absooooolument pas la goutte quand cette dernière se dirigea sur le "OUI". Elle aurait jamais fait ça, voyons! Est-ce que c'était son genre? (oui) Non, carrément pas. D'ailleurs, pourquoi voudrait elle se foutre de Jasson? Vraiment, non, elle pouvait carrément plaider non coupable... Oui pas.

"Heeey nan c'pas moi j'ai rien fait!!" dit-elle du ton carrément choqué de la fille qui aurait jamais de la vie déplacé la goutte.
"Bon, à moi!" ajouta-t-elle après une grande inspiration.

Elle ferma les yeux un moment, faisant genre de s'ultra concentrer. En vérité, elle savait carrément pas quelle question poser. L'était marrant wikipedia le magnifique avec sa règle à deux noises! Elle elle avait tout réfléchi en fonction de l'au-delà. C'était que c'était carrément important de savoir ce qui pouvait bien se passer là-haut! (et si ils mangeaient des frites ou pas...). Si c'était pas triste quand même! En plus elle avait carrément prévu le coup, avec plein de question ultra importantes genre "est-ce que les tartines beurrées tombaient aussi du côté beurré dans l'au-delà" (fin, s'ils mangeaient pas de frites, les tartines beurrées...), "Est-ce que vous savez à l'avance ce qui va se passer dans la saison 6 de Dr House?", "est-ce que les esprits attrapent la grippe aviaire?". Tout ce temps à chercher des questions à poser gâché.. Tss! Il fallait qu'elle en trouve d'autres! Certes, on aurait pu dire bien des choses en somme "Qui suis-je?", "où vais-je?", "dans quel état j'erre?"... mais serieusement, est-ce qu'elle avait une tronche à se poser des questions hautement spirituelles? Sans doute autant que Jasson était mélancolique, c'était dire. Elle réfléchissait donc, dans un moment de silence prolongé, quand enfin, elle fut traversée par ce qui ressemblait vaguement à une illumination.

-Un train part de Madrid à 18h30, il doit parcourir 1850 Km pour se rendre à Francfort . Il avance à une vitesse de 100 Km/h. Combien de temps le train va t-il mettre pour aller de Madrid à Francfort? A quelle heure arrivera-t-il à Francfort?

Silence...

-Je plaisante."

...Ou pas! Nan mais c'était que ça l'avait toujours soulé, toutes ces histoires de trains, au collège! Franchement, vous vous amusez à faire ça quand vous êtes à la gare, vous? Meme Amanda trouvait des trucs plus intelligents à faire, c'était dire! Et pourquoi toujours des trains et des baignoires? Bref. Comme la réponse ne lui viendrait apparemment pas des cieux, Amanda passa à une autre question.

-Est-ce que Kinder est une firme dirigée par des extra-terrestres voulant gouverner le monde?

ça c'était carrément plus pertinant!

'OUI'
...
Nan, c'pas vrai ! Il l'avait pas bougé cette fois.

- Ah, c'pour ça que j'tombe toujours sur des jouets de martiens...

Nan, c'tait une blague enfin ! Donnez-lui un peu de crédit quoi ! (Il ne gardait que les jouets et refilait le chocolat à Amanda...). M'enfin d'un côté, les martiens, c'était quand même vachement plus pertinent que des esprits. Entre une vie après la mort et une vie sur une autre planète, c'était quoi le plus logique franchement ? Bon, il les imaginait pas verts non plus les martiens. Mais il devait bien y avoir quelque part dans l'univers, une autre stupide planète infestée d'êtres vivants qui menaient une vie tout aussi inintéressante et superficielle que la leur. Après, il espérait pas pour eux, hein ? Ca suffisait déjà quoi, avec six milliards et des poussières d'humains qui vivaient un calvaire. Mais p'têt que leur vie était mieux sur cette autre hypothétique planète ? Ils avaient p'têt inventé des toilettes avec coupe ongles intégré (allez savoir à quoi ça leur aurait servi). Ou un liposuceur de bêtise humaine (dans le genre invention révolutionnaire, ça aurait carrément servi quoi !).

Amanda et Jasson restèrent pendant cinq longues minutes à se regarder dans le blanc des yeux. Arf. Ouais, bon, il admettait volontiers que c'était moins marrant s'ils avaient pas le droit de poser des questions sur l'au-delà. Et ils étaient supposés demander quoi maintenant, hein ? Hum... est-ce qu'il ferait beau demain ? Mais y avait la météo pour ça... est-ce Cameron finira par se faire écrouiller par un semi-remorqueur dans Dr House ? Naah, il pourrait supporter d'attendre le prochain épisode pour savoir. Combien de cannettes de coca étaient épuisées chaque jour ? Pas aussi primordiale que de connaître les endroits de migration de la mouche péteuse, certes.

- Esprit... commença Jasson en inspirant un grand coup.

Comme si remplir à ras bord ses poumons d'oxygène avait une quelconque influence sur son mental. Il laissa vaguement planer un silence de quelques secondes, le temps de réfléchir à sa prochaine question (et de ménager le suspens aussi...). Ou bien le temps de ne pas réfléchir à sa prochaine question. Pourquoi réfléchir quand on pouvait ne pas réfléchir et tout simplement balancer la première débilité qui vous passait par la tête ? Remarquez, pour certains, réfléchir ou pas ne changeait rien, ils finiraient inévitablement par lâcher quelques sombres âneries à l'intelligence inexistante. Tenez, par exemple, prenez... oh et puis non. Nan, ne citons personne. C'est très mal de médire sur les autres...

- Euh...

'Est-ce que Kinder est une firme...' ah nan, mince. Elle l'avait déjà posée comme question. Trop bête. 'Est-ce que les esprits mangent des pommes rouges ?' Arf, nan, c'était aussi une question sur l'au-delà ça. Bah quoi ? S'ils mangeaient des frites avec du ketchup, ou des tartines beurrées, ils devaient au moins avoir des pommes rouges ! Naaan, il avait pas du tout abusé de Death Note d'abord. Et puis, dans leur propre intérêt, les esprits auraient mieux fait de ne pas avoir la sale tronche des n'affreuses créatures que l'auteur s'amusait à publier dans ses oeuvres. Revenons-en à la question ultimement pertinente de Jasson...

- Suis-je plus beau que le Prince Caspian ?

...
Ben quoi ? Ca le tracassait complètement depuis qu'il était sorti de la salle de cinéma ! Allez savoir pourquoi... nan et puis de toute façon, admettez que Prince Caspian était un personnage carrément pathétique et sans aucun intérêt ! Franchement... tsss. Mouais... nan, mais c'était comme si le subconscient de Jasson le poussait à démonter ce personnage dans l'intérêt de l'autre personnage masculin. Allez savoir pourquoi, ouais... Naaaah, bien sûr que nan, il serait pas allé voir Narnia pendant les vacances, si y avait pas eu cette promo au ciné. Et puis Amanda avait promis de balancer du pop corn sur les gens, forcément, ça se refuse pas !

NON.
Mwahaha! Trop fort!! Amanda, comme d'habitude, n'avait touché à rien bien sûr, n'empêche que.. taaac dans les dents!! Ah! Ah! Bref... Elle eut beaucoup de mal à contenir un éclat de rire qui était à son image, pueril et enfantin... Mmm... En fait, en y réfléchissant, elle n'avait pas du tout contenu cet éclat de rire. En réfléchissant encore plus, il était même fortement probable qu'elle ait ri à gorge déployée sous le nez de Jasson sans la moindre délicatesse. Oui, tout bien réfléchi, c'était ce qu'elle avait fait. Naaaan, bien sur qu'elle soutenait Jasson, mais bon, il en avait de ces questions toutes péteuses aussi! Genre.. Okay, à la sortie du ciné, tous les deux s'étaient accordés à dire que le prince caspian était profondément débile, inutile et ejectable (si ce n'était que son nom était vaguement le titre du film) m'enfin c'était quand même péteux. Tout ça c'était parce que (et Amanda ne savait absolument pas pourquoi), Jasson s'était (vaguement, ça ne l'empêchait pas de dire qu'il était chiant aussi) pris d'affection pour le grand roi Peter, le magnifique, et qu'il avait choisi son camp dans la bataille caspian vs Peter. Ce qui n'expliquait ma foi pas pourquoi est-ce qu'il croyait pouvoir jouer à c'est moi le plus beau avec Caspian. Ni pourquoi il prêtait autant d'intérêt à un débile surexité qui se castagnait dans le métro et hurlait "pour narniaaaaaa!!" à tous bouts de champs.

Bon, c'était de nouveau à son tour. Dingue ce que ça passait vite d'une personne à l'autre, et Amanda avait été trop occupée à se foutre de la poire de Jasson pour chercher un autre truc à demander. Elle pourrait peut-être développer la question des kinder surprise? Ouais mais non, pourquoi s'attarder sur le même sujet alors qu'il y avait (sans doute) tellement de chose intéressante à demander aux esprits. Déjà, elle avait la satisfaction de savoir que tous ses soupçons étaient fondés (oui, parce qu'elle y croyait!) : c'était bien les extra-terrestres qui dirigeaient Kinder. C'était certain! Attendez, il suffisait de se poser quelques questions basiques pour en arriver à cette conclusion évidente. Par exemple, comment ils faisaient rentrer la surprise dans l'oeuf? Bah ouais, vous remarquerez qu'il y avait de trous nulle part, quand même, fallait pas être un génie pour trouver ça louche! C'était comme pour les tubes de dentifrice, comment ils faisaient rentrer la pâte dans le tube? Hein? Hein? Hein? Et la liqueur dans les chocolats "mon chéri"? Okay. Pour les derniers, elle songeait vaguement à un système ultra sophistiqué de seringues. Mais pour les Kinders surprises, ça marchait comment? C'était trop gros une surprise de Kinder, donc les extra-terrestres.

Pourquoi pas des extra-terrestres, d'ailleurs? Il était où le problème? Ils étaient dans un bahut infesté de mutants en tous genres dont eux-même faisaient partie alors (bon okay, Amanda était une mutante ratée, mais une mutante quand même, naaa!)... Elle voyait pas du tout en quoi un thèse extra-terrestre pouvait être risible.. Même si tout ce qui concernait Kinder et compagnie restait à vérifier.

Or donc, sa question à elle... Elle fixa un moment le vide, plongée dans des pensées super intenses, on en doute pas, si Jasson posait des questions ultra égoïstes centrées que sur lui et qui ne serviraient aucunement au bien de l'humanité toute entière (à l'inverse bien sûr d'Amanda avec ses histoires de frites et de kinder surprises), pourquoi est-ce qu'elle ferait pas pareil? Allez, prout d'abord?

"Esprit.."

Ouais bon, elle avait jamais commencé par "esprit" avant, mais il avait carrément l'air d'y tenir, donc... Si ça se trouve c'était encore une autre clause du grand Wikipedia qu'elle avait négligé.. Dans le doute, de toute manière, autant commencer par "esprit".

"Est-ce que je vais mourir prématurément en me balançant sur une corde?" avait-elle dit d'un ton ultra guilleret.

Silence.

"...Sans avoir été pendue.." précisa-t-elle du même ton joyeux.

Mouais. Bref. Ne faisons aucun commentaire, d'accord ? Jasson rassembla le peu de dignité qu'il lui restait (et dieu sait que ça f'sait franchement pas beaucoup) et foudroya Amanda du regard. Ce qui d'un côté, n'était certainement efficace. C'était le genre de trucs à la faire exploser de rire (plus qu'elle ne l'était déjà...). TSSSS. Naaaan, mais c'était franchement honteux ! Il était évident qu'il était plus beau que Caspian quoi ! (Ouais, genre...). Nan, mais vouala, il aurait pas dû poser la question. Parce que c'était même pas une question. Un constat. Tout à fait. Et puis c'était carrément clair qu'Amanda l'avait poussé ! Et quand bien même cela n'aurait pas été le cas... les esprits z'avaient pas de goût, v'la. M'enfin puisque dans l'histoire, c'était pas son rôle à lui d'être démesurément immature (parce que c'est vachement mature d'accepter de faire du spiritisme sur une pelouse...), il se tut (et misa tout sur son regard noir de la mort qui tue).

Jasson poussa un soupir à la question d'Amanda. Au moins, elle avait arrêté avec ses questions à deux noises dont la pertinence était carrément à remettre en cause. Bon, sa question restait théoriquement sans intérêt (enfin ouais... comparé à sa question précédente à lui, elle avait quand même p'têt plus d'intérêt en fait). Mais y avait de l'effort (m'enfin la question sur les martiens avait carrément hyper beaucoup d'intérêt par contre !). Et puis le spiritisme en soi n'avait aucun intérêt donc... à part de permettre à Jasson d'exprimer son égocentrisme ridiculement gros. Et de savoir si Amanda allait mourir prématurément en se balançant sur une corde sans se pendre. Mais comment qu'elle aurait pu mourir de façon prématurée en se balançant à une corde ? En jouant à la corde à sauter ?

'OUI'

Nan, il avait pas poussé d'abord ! Ou si. Ou pas. Le grand roi, seigneur de tous les êtres vivants en ce bas monde, lui avait précisé (genre qu'il parlait...) que Ouija, c'était psychologique. Enfin un truc comme ça. En fait, il avait juste survolé la page et retenu quelques trucs plus ou moins sans intérêt. Donc, est-ce qu'au fond il avait envie de voir crever Amanda avec une corde à sauter ? ...pas qu'au fond. Mais c'était triste de se faire crever par une corde à sauter. Enfin surtout pathétique et ridicule, mais un peu triste quand même. Il l'aurait plutôt imaginé crever d'une maladie choppée en crevant un hamster quoi. C'était vachement plus classe ! Avant de crever, elle aurait été admise dans un hôpital avec un médecin complètement barge genre comme dans Dr House qui découperait des bouts de cerveau d'Amanda pour faire des expériences louches dans son labo de diabolique. Et ensuite, on lui demanderait des ongles de pieds pour les greffer à Amanda, genre qu'ils étaient compatibles des ongles de pieds (enfin elle devait les avoir un peu plus petits quand même). Mais bon, comme il les aimait bien ses ongles de pieds... elle se ferait plutôt greffer des ongles de pieds chippés à une bonne femme trouvée dans la morgue. Et... Mouais, nan, il s'égarait complètement là. Revenons à la corde à sauter...

- Quel jour de la semaine ? demanda-t-il à la suite.

Arf, il avait pas dit "Esprit". Est-ce que les esprits seraient fâchés ? Nan, mais les gens ils disaient toujours "Esprit" dans les films quoi. Nan ? Pas que ça ait de l'importance, mais si ça en avait pour les hypothétiques-esprits-qui-n'existaient-pas-évidemment-bien-sûr-que-non, ce serait bête que le Ouija déconne. Amanda avait pas ajouté "Esprit" et on lui avait moins répondu ! (Bon, évidemment quand on voit ses questions...).

"J"

- Jeudi, interpréta Jasson.

Genre que connaître le jour de semaine lequel Amanda allait crever avait une quelconque importance. Mais il fallait y aller mollo avec les esprits ! Z'aimaient pas les trop curieux. Et puis c'était vachement important quoi ! Imaginez qu'il y ait Dr House qui passe à la télé pile le jour après qu'elle crève, hein ? Et genre imaginez que c'était l'épisode de la mort qui tue avec la super révélation de la mort qui tue sur une super maladie de la mort qui tue et qui se conclurait sur une super conclusion de la mort qui tue avec Cameron qui crève à la fin, hein ? Elle serait suuuuper dégoûtée de la mort qui tue de louper ça.

- C'est bête, c'est le jour des frites à la cafète, constata-t-il pensif. Enfin le Resto U. Plutôt. On l'appelait pas la cafète. Pour faire genre que c'était pas qu'une cafétéria comme les autres avec de la sous-bouffe industrialisée à mort pour faire baisser les prix et élever le nombre d'anorexiques.

Mais bon, en supposant qu'elle ait quitté l'université avant le jeudi de sa mort pour cause de corde à sauter. On s'en fichait un peu de savoir qu'il y ait des frites ou pas. Et puis "prématurément", ça voulait dire quoi de toute façon ? Genre demain ? Après-demain ? Dans quelques années ? A tous les coups, Dr House, ça serait fini d'ici là...

- On continue ? Pas qu'il s'en foutait qu'elle meurt, hein ? Mais tant que c'était pas là, tout de suite. Il avait quand même pas envie de devoir tirer sa carcasse jusque dans un coin sombre pour l'enterrer. Et puis il avait même pas pris de pelle quoi ! Ni de corde à sauter.

Oui... Okay. Un ouija à deux balles venait de lui annoncer sa mort prochaine (après s'être balancée à une corde). C'était un oui irrémédiable, sans appel... Sans doute parce que ça aurait été trop fatiguant pour le ouija d'aller écrire tout un "peut-être"... Ou pas. Non, le ouija ne se trompait jamais, elle allait mourir prématurément. Bien sûr, on pourrait toujours soutenir que le ouija c'était n'imp ou que Jasson avait bougé la goutte sur le "oui".. Ce qui paraissait carrément plausible, mais non. Amanda voyait ce oui comme une certitude plus que totale... A ce stade du rp, deux solutions s'offrent à nous. De une : Amanda observe la réponse venue des grands esprits (moins grands que wikipedia mais quand même), sombre dans une profonde dépression et s'auto-empale sur un cure-dent géant. De deux : Amanda réfléchissait nettement moins longtemps à ce "oui" que l'auteur de ce rp (qui, avouons-le, est en train de faire du remplissage) et se foutait carément de mourir vite, car de toute manière elle est profondément tarrée. Comme le personnage dont il est question ici est une tueuse de hamster mythomane et sociopathe, penchons pour la deuxième solution. Amanda venait donc de recevoir la confirmation qu'elle allait crever au bout d'une corde, sans se pendre... Elle l'aurait parié, tiens! C'était l'une des seules possibilités qui lui venaient à l'esprit quand elle songeait à sa mort prochaine. Ou bien une armée de hamsters psychopathes organiseraient une rébellion pour se venger et lui crèveraient les yeux, ou bien elle s'empalerait (accidentellement) sur un cure-dent géant... Ou bien elle mourait en se balançant sur une corde.

.. Bon.. Dans ces trois situations, elle avait toujours estimé qu'elle crèverait prématurément, mais ça ne la dérangeait pas outre mesure.. En fait, ça l'arrangeait, même. ça la rassurait d'imaginer qu'elle ne serait jamais une vielle croutonne toute ridée avec les cheveux ultra blancs et la voix toute gigotante, qu'elle n'aurait jamais à s'occuper de tous ces formulaires gavants, à payer des impôts, à ne pas vivre aux crochets de ses parents, qu'elle n'aurait jamais à s'occuper d'enfants hystériques ni à leur expliquer pourquoi leur hamster avait décidé d'entreprendre un voyage merveilleux au pays magique des canalisations... Pourquoi croyez-vous qu'Amanda prenne tellement de plaisir à régresser mentalement? Okay, il lui manquait déjà une case sérieuse avant qu'on la "mutanise", mais malgré tout, après avoir réalisé toutes les possibilités qu'offrait une apparence de gamine (et une vie de gamine), elle n'avait vraiment pas l'intention d'évoluer. Voilà une des raisons pour laquelle le fameux "oui" lui avait inspiré plus de soulagement que de crainte... Tout ce qu'elle avait voulu savoir, c'était de laquelle des trois manières les choses se finiraient.

Après cela, Amanda fut étonnée de voir la question que Jasson posa ensuite... Et qui était en lien direct avec la question qu'elle avait elle-même posé. Flippant.. Il avait presque l'air intéressé par le cruel destin qui pointait sur la tête de la fausse petite comme une épée de damocles de huit tonnes sur une vitre carglass. Un moment, elle observa successivement la goutte pointée sur le jeudi et la tête de Jasson... ou ce qu'elle pouvait en voir, car elle était de moins en moins visible, dans le ciel de plus en plus sombre et à la lumière des bougies de moins en moins intense. Okay, elle mourait un jeudi... Elle s'en contrefoutait, et, pour autant qu'elle en sache, lui aussi devait s'en moquer comme de l'an 40 (année sans doute remarquable quoi que fortement oubliée). ça faisait presque sentimentaliste, comme question. Ce qui n'allait pas du tout dans le contexte. Jasson, sentimental? N'iiimp... Il devait vraiment manquer d'inspiration pour poser des questions. Dans le doute, et juste pour souligner la profonde débilité de sa question (bien qu'elle fut ensuite atténuée par la remarque très judicieuse qu'il avait fait au sujet des frites), elle lui adressa un :

"Sombre débile!" pas tout à fait sincère mais presque.. Juste parce que perturber les esprits pour des questions aussi.. altruistes (?)... Ouais bon, dans un sens trèèès large, c'était carrément naze.

Ceci dit, elle acquiesça à la suggestion de Jasson, qui l'encourageait à poser la question suivante. Elle se mordit la lèvre inférieure toute en réfléchissant.. C'était à son tour de poser une question profondément débile sur le destin funeste qui attendait son partenaire de spiritisme.. Mmm... Comment le voyait-elle mourir? Mangé par un phoque? Ecrasé par un bus? Etouffé par une pâtisserie miniature? Ce qui était sûr, c'était que lui aussi, elle ne le voyait pas mourir vieux. Sans doute un peu plus vieux qu'elle, mais pas beaucoup.. Peut-être vers 30 ans. En tous cas, elle l'imaginait absolument pas avec sa flopée de marmots et son petit travail pépère et chiant. Donc 30 ans... pas longtemps avant que tout ça ne soit forcé de lui tomber sur la tronche.

"Est-ce que Jasson va mourir à 29 ans après avoir avalé la surprise d'un kinder?"

Suspens...
...
OUI.
Tadaaaa!

Bon okay.. Elle avait peut-être un tout petit peu bougé la goutte.. Mais ça aurait vraiment été décevant d'imaginer les choses autrement...

Jasson releva vaguement la tête vers Amanda. Avant le "sombre débile", il aurait juré qu'elle avait pensé à quelque chose de bizarre. M'enfin comme ce n'était pas dans sa nature de se tracasser plus de six secondes d'affilé de ce qui pouvait passer par la tête d'Amanda (a- c'était forcément tordu - b- et non, il était pas altruiste...). Et puis ouais, il admettait volontiers que sa précédente question était fondamentalement naze (mais en quoi c'était altruiste de demander le jour ?) mais c'est qu'il commençait à manquer d'idées mine de rien. Ils avaient beau ne pas jouer depuis très longtemps, avouez que quand on a même pas le droit de poser des questions sur les morts, y a pas grand chose à demander à part des trucs purement égocentriques (dont il se faisait le spécialiste). Même la mort prématurée d'Amanda perdait déjà de son intérêt. De un, tant que c'était pas dans un futur proche, il en avait rien à cirer. De deux, ils n'avaient jamais clairement décrétés qu'ils étaient quelque chose de pathétiquement pathétique genre amis pour la vie, donc même si elle crevait il n'avait pas obligation d'aller mettre des fleurs sur sa tombe (et puis il aurait sans doute laissé un cadavre de hamster à la place des fleurs). De trois... y avait jamais de trois.

Il laissa à Amanda le temps de la réflexion. Elle prit un peu plus longtemps qu'auparavant. 1) Elle réfléchissait à une question ultra importante de la mort qui tue. 2) Elle était à court d'idées. 3) Même sa réserve de questions débiles avait des limites. 4) Qu'elle se dépêche ! Amanda lâcha enfin sa question ultra pas pertinente. De quoi, mourir en avalant la surprise d'un Kinder ?

- Ridicule, lâcha-t-il hautainement.

D'abord, il bouffait pas le chocolat des Kinders. Parce que ça paraît évident, il n'aimait pas les trucs sucrés. Mais pourquoi manger la surprise ? ...est-ce qu'il avait l'air d'être un gamin de trois ans qui mettait tout ce qui lui tombe sous la main dans la bouche ? Sérieusement... c'était pas lui qui avait rajeuni dans l'histoire, nom de nom ! C'était à se demander... est-ce qu'elle avait déjà essayé de bouffer les surprises des Kinders Surprises ? Faut quand même être barge pour y penser. Et si Amanda avait un jour eu l'envie d'essayer, il était persuadé que ce n'était pas à 3 ans mais bel et bien à 20 ans (avant ou après son rajeunissement ne devait pas changer grand chose finalement...). Et puis c'était quoi cette mort de nul ? S'il devait mourir... sa mort devait au moins inclure quelques éléments spectaculaires... genre les morts qui se réveillent façon Buffy contre les vampires, une armée de hamsters envahissant Philadelphie, les martiens qui débarquent pour enlever tous les Kinders. Enfin quelque chose comme ça quoi. Définitivement.

Mais mourir à 29 ans, à la réflexion, c'était une bonne option. Il n'aurait jamais le loisir d'être un trentagénaire et encore moins de se voir décrépir lentement et sûrement au fil des années. Jamais il ne verrait sa carcasse de vieux croûton se traîner comme un mort et déambuler dans les couloirs d'un hospice pour vieux. On se souviendrait (ou pas) du gars bizarre qui voyait les morts et non pas du vieux croûton qui voyait les morts. Il aurait pas de gosses (de toute façon il avait jamais pu supporter les gamins braillards...). Pas de stupide maison familiale avec un labrador au QI sous-développé. Ses parents n'auraient pas la possibilité de lui pourrir l'existence jusqu'à ce qu'ils se transforment eux mêmes en vieux croûtons séniles bons à envoyer à l'hospice. C'était une alternative assez alléchante que de ne pas mourir vieux et décrépi. Evidemment, ça sous-entendait qu'il lui restait grossièrement neuf à dix ans encore à vivre. Mais les vingt premières années de sa vie avaient passé avec une telle lenteur, il ne verrait sans doute pas la différence. Le plus glauque dans l'histoire éventuellement, il espérait ne pas finir à errer sur terre lamentablement après sa mort. Manquerait plus que ça. Avec pour seules compagnies quelques barges qui pouvaient voir les morts. Pas très excitant.

- C'est vraiment n'importe quoi le Ouija, déclara-t-il en levant les yeux au ciel, genre qu'il ne le savait pas déjà dès le début...

Et le plus débile dans tout ça ? Ce n'était pas une question mais Ouija s'était quand même cru dans l'obligation de répondre.
'OUI'.

"Mmm..."

Amanda observa longuement et silencieusement le "oui" que désignait la goutte. Le ouija se foutait de leur gueule. Et sans doute pas très loin, dans l'obscurité, à moins d'un mètre de Jasson, deux-trois morts se fendaient copieusement la poire (si tant était qu'ils existaient vraiment, Amanda n'avait toujours pas exclu la possibilité que ce soit seulement un dingue qui parlait tout seul). Elle adressa à la planche de ouija un regard noir, comme si c'était la faute de ce dernier si le ouija était définitivement un jeu et dont on pouvait sérieusement douter de l'utilité... mais tous les jeux étaient nuls de toute manière. alors comme ça le ouija osait se moquer d'eux! Il pouvait parler, lui (enfin nan, il pouvait pas parler, mais c'est une image) avec la grosse marque industrielle qui lui ôtait tout son mystique... Encore, si ça avait été un bon vieux ouija à moitié moisi que l'on soupçonnerait vaguement d'avoir appartenu à des sorcières louches, elle aurait rien dit (quoique...). Mais là!! De quel droit il se la ramenait, hein? Elle avait encore son ticket de caisse! Ah! Ah! Elle était tout à fait capable d'aller le rendre, et là, ça lui ferait les pieds!! Mwahaha... Du moins, s'il en avait. Bref. Amanda n'était pas contente. Pas contente du tout de ce jouet basse qualité qui en plus de lui avoir coûté sa petite somme, avait trouvé moyen de se la ramener. Mais qu'il aille paître chez les crapauds buffles, celui-là! Et qu'il leur ramène un échantillon de bave en revenant!... Nan mais on avait pas idée... Déçue.. Oui, elle était carrément déçue...

Oui, Amanda était presque prête à l'admettre, il était peut-être presque vaguement vrai que le ouija, c'était que des salades et que ça n'avait aucune valeur scientifique (z'étaient en fac de science, quand même!... On aurait tendance à l'oublier)... Mais elle n'irait jamais dire ça. Son estime d'elle-même était bien trop élevée, de même pour sa fierté, donc hors de question d'admettre qu'elle ait pu avoir tord, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Et encore moins devant Jasson. Parce que Jasson... Bref. Voilà, quoi! Elle resta donc un moment comme ça, assise en tailleur, à fixer le ouija avec un incontestable mépris, semblant entendre la voix railleuse des crétins de fantômes de Jasson (parce que du moment que c'était à lui que les fantômes venaient taper la causette, c'étaient ses fantômes à lui.. et s'il les avait inventé encore plus). C'était stupide comme situation. Stupide. Personne ne disait rien. Plus question de poser de questions à ce scrogneugneu. Il commençait à faire carrément froid (elle commençait vaguement à penser que c'était peut-être pas forcément exactement totalement la tenue idéale, la robe!), et elle commençait à avoir carrément faim (note, elle était capable de manger n'importe où, n'importe quand et n'importe comment... la faim n'avait qu'un rapport mitigé avec cette activité). En plus de ça, les quelques bougies qui faisaient office de lumières commençaient à s'essoufler, quelques-unes s'étaient déjà éteintes, les autres ne tarderaient pas...
Oui bon, admettons. C'était naze. Mais ils s'étaient bien marrés avant, au moins, peut-être, un peu...

"Bon!"

Comme pour mettre un terme définitif à leur petite séance de spiritisme, elle balança le ouija vers la gauche d'un geste ample du bras. Fi! Et comme ce n'était évidemment pas suffisant, elle se leva, et commença à écraser vigoureusement le ouija avec ses pieds... N'importe quoi n'importe quoi!

"Mauvaise qualité!" fit-elle à l'adresse de Jasson pour se justifier entre deux coups de pieds.

Car n'oublions pas. Ce n'était pas le ouija qui était nul, c'était CE ouija. Il y avait carrément une nuance! Puis comme les petits coups de pieds ne suffisaient pas, elle commença à sauter sur le ouija comme la deumeurée qu'elle était sans doute avant de le balancer à plusieurs mètres de là. Bon débarras! songea-t-elle en se frottant les mains. bon, okay, pour le remboursement, ça risquerait d'être un peu plus dur, mais ça faisait du bien. Après avoir épousseté sa robe et éteint les dernières bougies allumées, elle posa son regard su Jasson, qui était resté assis, passablement indifférent aux accès d'Amanda qui étaient choses courantes, chez elle, quand on la connaissait un peu.

"Viens, on va manger un truc!"

Sans doute parce qu'il avait également fin, et parce que tout comme Amanda, il ne voyait absolument pas quel était le problème à aller manger au fast food le plus proche à 1h du mat' (et après une séance de spiritisme), Jasson se leva à son tour, et tous deux se mirent en chemin vers le fast food le plus proche.

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